La catastrophe de Blatten sonne-t-elle le glas de la vie en montagne?

La catastrophe de Blatten sonne-t-elle le glas de la vie en montagne?

Face à l’augmentation des événements climatiques extrêmes comme la catastrophe de Blatten, agir maintenant pour atténuer le changement climatique et s’y adapter est une nécessité vitale.

Dix jours après la catastrophe qui a englouti Blatten, on reste toujours sans voix devant la puissance des éléments naturels et en pensées solidaires avec les habitants qui ont tout perdu. Grâce à un système de gestion des risques bien rodé et à l’évacuation préventive, le pire a été évité. On ne peut que remercier toutes les personnes qui font fonctionner ce système et qui seront encore sur le terrain ces prochaines semaines.

Multiplication des événements extrêmes

Ce qui s’est passé à Blatten, la rupture du glacier du Birch, choque d’autant plus qu’un village entier a été englouti. Mais ce drame n’est pas un cas isolé. La Suisse connaît une recrudescence d’événements extrêmes depuis quelque temps déjà, comme l’année dernière dans le Val Bavona, à Brienz ou au Misox. Et le Valais est en première ligne, comme tant d’autres régions alpines. Il a été particulièrement touché en 2024: Vallée de Saas, Haut Val de Bagnes, Val d’Anniviers ou bien sûr Sierre où plus de 140 personnes ont perdu leur logement. 

« Les montagnes s’effritent, car le réchauffement climatique les affecte particulièrement. Les glaciers fondent, le pergélisol se résorbe, la neige se raréfie. Conjugués à des conditions météorologiques extrêmes, ces phénomènes entraînent une augmentation des dangers naturels dans l’arc alpin. »


Michael Lehning, directeur de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches.

On entend souvent: « Il y a toujours eu des catastrophes naturelles. ». C’est vrai. Mais aujourd’hui, leur fréquence et leur intensité explosent, conséquence directe du réchauffement climatique. En Valais, la température moyenne a déjà augmenté de 3°C depuis la fin du XIXe siècle. Comme l’écrit le directeur de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF dans le dernier numéro du magazine « Diagonale » du WSL consacré au thème Attention danger ! Changement climatique et dangers naturels, « les montagnes s’effritent, car le réchauffement climatique les affecte particulièrement. Les glaciers fondent, le pergélisol se résorbe, la neige se raréfie. Conjugués à des conditions météorologiques extrêmes, ces phénomènes entraînent une augmentation des dangers naturels dans l’arc alpin. » 

« Je suis convaincu que nous pouvons – et devons – continuer à vivre dans les vallées de montagne. Mais je ne veux pas raconter des histoires: si le climat continue à se réchauffer, cette vie y deviendra de plus en plus difficile. »

Christophe Clivaz

Dans ce contexte, entendre certains milieux comme Avenir Suisse ou la NZZ, via la parole de son rédacteur en chef, suggérer d’abandonner le soutien aux vallées sinistrées est choquant. Faut-il vraiment renoncer à la vie en montagne? Toute la délégation valaisanne au Parlement fédéral a heureusement rejeté fermement cette idée. Les Alpes sont une part essentielle de notre identité nationale. Opposer citadins et montagnards n’a aucun sens, alors que tant de citadins viennent justement se resssourcer chez les seconds.

Je suis convaincu que nous pouvons – et devons – continuer à vivre dans les vallées de montagne. Mais je ne veux pas raconter des histoires: si le climat continue à se réchauffer, cette vie y deviendra de plus en plus difficile. Les mesures de protection ne peuvent pas tout compenser: pour des raisons techniques, logistiques, mais aussi financières.

Et ce n’est pas qu’une affaire de montagne. Les zones de plaine aussi sont déjà confrontées à des vagues de chaleur, des sécheresses, des inondations. Le dérèglement climatique touche tout le pays.

Coupes budgétaires inappropriées dans les mesures de protection contre les risques naturels

Dans son programme d’allègement budgétaire 2027, le Conseil fédéral prévoit des coupes importantes dans la protection contre les risques naturels ainsi que dans la protection du climat, par exemple en supprimant les subventions pour l’assainissement énergétique des bâtiments. C’est l’inverse qui est nécessaire! Engager davantage de moyens financiers pour nous adapter à l’augmentation des événements extrêmes et pour réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre. Ce sera de plus en plus une question existentielle pour bien des régions de montagne. 

Christophe Clivaz

 

Assouplir le frein à l’endettement: un investissement pour notre avenir

Assouplir le frein à l’endettement: un investissement pour notre avenir

Investir aujourd’hui pour économiser demain: l’exemple de la lutte contre le changement climatique montre que le frein à l’endettement, dans sa forme actuelle, empêche des investissements cruciaux pour notre avenir.

Les effets du changement climatique, qu’il s’agisse des niveaux bas des eaux intérieures qui perturbent le transport maritime et fluvial, des vagues de chaleur qui nuisent à la productivité, des rendements agricoles plus faibles, des chaînes d’approvisionnement perturbées ou des événement météorologiques extrêmes, impactent déjà aujourd’hui lourdement l’économie mondiale. Et la Suisse, le Valais en particulier, n’y échappe pas: les inondations et glissements de terrain de l’année dernière sont encore dans toutes les mémoires.

Une injustice climatique flagrante

Il faut aussi souligner ici une profonde injustice: les personnes qui souffrent le plus du dérèglement climatique sont aussi celles qui y ont le moins contribué. Ce sont donc les pays les moins responsables du changement climatique et disposant de moins de ressources pour s’adapter qui souffrent et souffriront le plus des dégâts causés. Cette injustice climatique existe aussi entre les classes sociales puisque les personnes les plus démunies sont aussi celles qui ont le plus faible bilan carbone et ce sont elles aussi qui ont le moins la possibilité de s’adapter, par exemple en déménageant ou en installant une climatisation lorsque les conditions climatiques deviennent trop extrêmes.

Si l’on agit maintenant et que l’objectif de deux degrés fixé dans l’Accord de Paris est respecté, les coûts des mesures de protection du climat seront nettement moins importants que ceux de l’inaction. Selon une étude publiée l’année dernière, les coûts de la protection du climat pour une trajectoire de deux degrés seraient six fois inférieurs aux coûts des dommages causés par les changements climatiques.

« Il existe un consensus scientifique selon lequel les risques physiques d’un changement climatique non maîtrisé sont largement supérieurs aux coûts des mesures de protection du climat ».
Selon un rapport mandaté par l’OFEV

La Confédération fait le même constat. En 2019, un rapport mandaté par l’OFEV indiquait clairement que « il existe un consensus scientifique selon lequel les risques physiques d’un changement climatique non maîtrisé sont largement supérieurs aux coûts des mesures de protection du climat ». Le Conseil fédéral indique qu’un changement climatique non maîtrisé se traduirait par un recul du PIB de la Suisse de 4% en 2050. Or, en limitant le réchauffement global à 1,5°C, les coûts du changement climatique ne représenteraient plus que 1,5% du PIB en 2050, soit une économie de 20 à 30 milliards en 2050.

Des coupes budgétaires à contre-courant

Et pourtant le Conseil fédéral entend réduire les investissements climatiques et énergétiques dans son programme d’allègement budgétaire. Il propose par exemple de supprimer le programme Bâtiments qui permet de soutenir financièrement l’assainissement énergétique des bâtiments alors que le rythme d’assainissement est insuffisant pour atteindre les objectifs que la Suisse s’est fixée. Ou de ne pas soutenir les trains de nuit malgré l’acceptation de cette mesure par le peuple lors de la votation sur la Loi Climat et Innovation.

C’est vrai, les besoins de financement sont énormes si nous voulons agir à la hauteur des enjeux.  Mais dans un contexte où les dépenses militaires explosent, il est incohérent de les compenser en sacrifiant notre avenir climatique, énergétique et social.

Investir pour l’avenir, pas seulement pour le climat

Le frein à l’endettement tel qu’il existe aujourd’hui empêche les investissements de long terme indispensables à la transition écologique et sociale. Nous savons que plus nous agissons vite, mieux nous pouvons réduire nos émissions et nous adapter aux conséquences déjà bien présentes du changement climatique.  Nous savons que plus nous agissons tôt, plus nous limitons les coûts futurs. S’endetter intelligemment aujourd’hui, pour économiser demain, c’est faire preuve de responsabilité.

Et cela ne concerne pas que la protection du climat. Sans un assouplissement du frein à l’endettement, de nombreux domaines où il faudrait investir plutôt que de couper dans les budgets seront touchés: formation, recherche, crèches, trafic régional, soutien à la culture, au sport et au tourisme, services publics dans les régions périphériques, etc.

 

Christophe Clivaz

Le masculinisme, nouvelle menace toxique pour l’égalité

Le masculinisme, nouvelle menace toxique pour l’égalité

Ils ont 13, 15 ou 17 ans. Ils traînent sur TikTok, YouTube ou Instagram. Et de plus en plus, ils remettent en cause l’égalité entre les genres.

Il vous est peut-être déjà arrivé de tomber sur ce terme dans un article ou une émission. Depuis la mi-mars, la mini-série Netflix Adolescence, qui raconte l’arrestation d’un adolescent de 13 ans accusé de meurtre, a ravivé le débat. Elle met en lumière l’influence croissante des contenus masculinistes sur internet et leur impact préoccupant sur les plus jeunes.

Présenté comme une solution à tous les problèmes que peut rencontrer un homme, le masculinisme façonne la manière dont les jeunes construisent leur rapport aux femmes, à eux-mêmes et au monde. Des rapports alertent: cette idéologie est en pleine expansion, surtout auprès des jeunes, et elle constitue une menace réelle pour l’égalité de genre et la lutte contre les violences sexistes.

Depuis quelques années, on assiste à une explosion de ces contenus en ligne. Des influenceurs proposent des vidéos de « coaching » sur la manière de séduire et de dominer une femme, ou encore des podcasts pseudo-scientifiques vantant la supériorité masculine. Ces messages se diffusent sans filtre, portés par des algorithmes et une quasi-absence de modération. Résultat: des centaines de milliers de garçons, souvent très jeunes, sont exposés à des discours profondément problématiques.

En effet, les contenus masculinistes prônent une vision violente des relations interpersonnelles, marquée par l’hostilité et la domination. Les défenseurs de l’idéologie masculiniste déplorent une crise de la masculinité et promeuvent un idéal fantasmé de l’homme, qui se devrait d’être dominant, agressif et inébranlable. Pour eux, l’homme est socialement supérieur aux femmes et aux personnes qui n’adhèrent pas à leur vision de la masculinité, ce qui a pour conséquence de légitimer des comportements violents, misogynes, homophobes et extrémistes.

 

Violence qui impacte aussi les hommes

La violence est statistiquement principalement masculine et l’adhésion à la pensée masculiniste accroît cette problématique. En Suisse, 92% des lésions corporelles graves, 97% des agressions sexuelles et 86% des homicides sont causés par des hommes, qui d’ailleurs représentent plus de 94% de la population carcérale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cet excès de violence impacte aussi les hommes, qui se suicident 2,7 fois plus que les femmes. Au-delà des dégâts humains, cette violence liée au masculinisme a aussi un coût économique élevé. En Suisse, il a été estimé à 9,4 milliards de francs, soit 15% des dépenses annuelles de la Confédération.

Il est nécessaire d’agir rapidement pour éviter une dégradation de la cohésion sociale, des droits des femmes et du vivre-ensemble. Cependant, lutter contre le masculinisme nécessite une approche politique globale combinant éducation, prévention, régulation du numérique, accompagnement des jeunes hommes, promotion d’une masculinité dite positive et sanctions renforcées contre la violence sexiste. Parmi les solutions, l’éducation à l’égalité de genre, aux médias, ainsi qu’à la vie affective et relationnelle sont essentielles. Bien sûr, l’école joue un rôle clé, mais le cadre familial est également essentiel pour que les jeunes garçons puissent développer un esprit critique vis-à-vis de la pensée masculiniste.

 

Un phénomène qualifié de « terrifiant »

Ce phénomène dangereux touche d’ailleurs une multitude de pays et l’on recense de plus en plus d’attentats masculinistes, tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Or, une prise de conscience semble apparaître peu à peu. Au Royaume-Uni, la police qualifie ce phénomène de terrifiant, au point que le sujet a été élevé au rang d’urgence nationale en 2024. En Suisse, les sujets de la masculinité et de la radicalisation ont été explicitement intégrés dans le deuxième Plan d’action national de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent 2023-2027.

Le Conseil fédéral reconnaît l’ampleur du problème. Pourtant, à ce jour, aucune donnée n’est collectée sur la diffusion de ces idéologies. Et sans données, impossible de mesurer l’ampleur du phénomène ni de construire des politiques publiques efficaces pour y répondre.

C’est pourquoi j’ai déposé une motion lors de la dernière session du Parlement, demandant au Conseil fédéral de lancer un travail de collecte de données sur la diffusion du masculinisme en Suisse. Si nous voulons protéger nos jeunes, défendre l’égalité et préserver la cohésion sociale, nous devons comprendre le phénomène pour mieux le combattre.

 

Christophe Clivaz

Croisières : le tourisme de masse qui coule la planète

Croisières : le tourisme de masse qui coule la planète

L’industrie des croisières est en plein essor. Chaque année, des millions de vacanciers embarquent sur ces monstres flottants pour une aventure maritime où le luxe côtoie… la catastrophe écologique et climatique. Car oui, derrière les piscines à débordement et les buffets à volonté, ces géants des mers cachent un impact environnemental absolument désastreux.

Les bateaux sont de plus en plus gros – et ce n’est pas une exagération. Certains peuvent désormais transporter près de 10’000 personnes, équipage compris. Si vous pensiez qu’il y avait une erreur de frappe, détrompez-vous. Les croisières d’aujourd’hui, ce ne sont plus seulement quelques passagers sirotant un cocktail sur le pont – c’est littéralement une ville flottante, avec ses propres centres commerciaux, casinos et parcs aquatiques. Qui a besoin d’explorer le monde quand on peut passer sa journée sur un toboggan géant en pleine mer? La croisière s’amuse » n’est plus seulement une série télévisuelle mais une réalité.

Ces monstres marins débarquent chaque jour dans de nouveaux ports, vomissant des milliers de touristes qui ont tout juste quelques heures pour «visiter» avant de repartir. Résultat? Des villes littorales submergées, des habitants excédés et une culture locale réduite à une simple carte postale. Mais peu importe, tant que le duty-free et la piscine à vagues sont ouverts 24h/24!

La palme à MSC Croisières, basée en Suisse

Le vrai problème, c’est que derrière le rêve vendu par les brochures, il y a une réalité bien plus sombre. Ces palaces flottants sont de véritables usines à pollution. À eux seuls, les navires de croisière émettent des quantités astronomiques de CO₂, d’oxyde d’azote et d’oxyde de soufre. À quai, ils continuent de faire tourner leurs moteurs, transformant les ports en usines à gaz à ciel ouvert. Dans certaines villes, la pollution aux particules fines est jusqu’à 20 fois plus élevée dans les zones portuaires que dans le reste du territoire.

Et la palme du désastre écologique revient à… MSC Cruises, basée à Genève. Selon une étude de 2023, les opérateurs de croisières émettent autant de soufre que l’ensemble des 291 millions de voitures en Europe. Oui, vous avez bien lu: une seule compagnie réussit à polluer autant que toutes les voitures du continent.

D’autre part, les navires rejettent généralement leurs eaux usées non traitées directement dans l’océan ou la mer et déversent également de nombreux déchets, produits chimiques, plastiques et métaux lourds dans l’eau. L’industrie des croisières génère donc d’énormes nuisances et a un fort impact sur l’environnement ainsi que sur la santé humaine.

Malgré les avancées technologiques, les impacts écologiques des paquebots demeurent massifs. La promotion des navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL) au lieu du fioul classique n’apporte une amélioration que très limitée. Un paquebot propulsé au GNL a en réalité un impact climatique aussi important, voire pire, qu’un navire propulsé au diesel, en raison des fuites massives de méthane tout au long de la chaîne d’approvisionnement et lors de son utilisation.

De plus, les bateaux de croisière sont conçus pour fonctionner pendant une quarantaine d’années environ, et la question de leur recyclage n’est même pas encore abordée. La pollution liée au démantèlement des navires risque d’être, elle aussi, conséquente.

Sur le plan social, la grogne monte. Dans de nombreux ports, les mouvements de contestation se multiplient face à l’invasion quotidienne de ces monstres des mers, au point que certaines villes, comme Venise, ont fini par les bannir purement et simplement. Et pour cause: en plus de leur impact écologique désastreux, ces débarquements massifs transforment les centres-villes en parcs d’attractions éphémères, où des milliers de passagers affluent en quelques heures, saturant les rues, les places et les transports. Résultat? Une qualité de vie en chute libre pour les habitants, une expérience dégradée pour les touristes qui séjournent réellement sur place et, cerise sur le gâteau, des retombées économiques dérisoires pour les villes d’accueil. Car après tout, pourquoi dépenser son argent dans les commerces locaux quand tout est déjà inclus à bord?

 

Grande responsabilité de la Suisse, même sans accès à la mer

Si notre pays n’a pas d’accès à la mer, cela ne l’empêche pas de porter une grande responsabilité dans ce secteur puisque les entreprises basées en Suisse contrôlent 42 navires de croisière, soit plus que l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Par exemple les navires de MSC Croisières, qui se revendique la plus grande compagnie privée de croisières au monde, desservent 211 escales dans les ports de la planète et accueillent annuellement plus de 2.4 millions de passagers, avec l’objectif affiché de plus que doubler cette fréquentation d’ici 2027! Les navires de croisière gérés depuis la Suisse ont émis en 2023 au moins 2,7 millions de tonnes de CO2, soit environ 6,5 % des émissions totales en Suisse, un pourcentage qui va augmenter ces prochaines années avec la volonté de croissance du secteur des croisières.

MSC Cruises et consorts promettent bien sûr de devenir climatiquement neutres d’ici 2050. Mais entre les belles paroles et les actes, il y a un océan. À ce jour, les efforts volontaires de l’industrie sont dérisoires, et sans intervention politique forte, cette promesse restera lettre morte. Il est donc urgent d’imposer des mesures contraignantes à ce secteur ultra-polluant: exiger des compagnies de croisières basées en Suisse qu’elles présentent des plans détaillés et juridiquement engageants pour atteindre le zéro émission nette d’ici 2050. Ou encore introduire une taxe carbone sur le fioul lourd, à l’image de celle existant déjà sur les combustibles, dont les recettes pourraient être redistribuées à la population. Ce sont des solutions concrètes que je défendrai au Parlement fédéral à travers différentes interventions.

Dont cette interpellation déposée le 20 mars 2025: https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20253218

Les alternatives existent

Il ne s’agit pas d’arrêter de voyager, mais de choisir des alternatives qui ne détruisent ni la planète, ni les territoires d’accueil. L’association fairunterwegs (« en chemin de manière responsable »), qui a publié un rapport sur la responsabilité de la Suisse dans l’industrie des croisières, propose déjà des alternatives plus durables. Elle recense des escapades et voyages répondant aux critères G.L.Ü.C.K. (Gemächlich, Lokal, Überraschung, CO₂-Austoss, Korrekter Preis – soit Tranquille, Local, Surprise, Émissions de CO₂, Prix correct). Chacun peut d’ailleurs soumettre des idées de voyages respectant ces principes. Plutôt que de « flinguer » notre bilan carbone et d’étouffer les destinations avec des croisières de masse, privilégions des voyages plus responsables, au bénéfice des populations locales et de notre planète.

Christophe Clivaz

Loup en Valais: une régulation sans base scientifique, un problème démocratique et écologique!

Loup en Valais: une régulation sans base scientifique, un problème démocratique et écologique!

Le Conseil d’État valaisan comme le Groupe Loup Suisse se sont exprimés récemment suite aux résultats de la régulation proactive qui vient de se terminer (1er sept. 2024 – 31 janvier 2025). Le premier dresse un bilan « positif » de la régulation du loup (article du Temps). Mais sur quelles bases? Certainement pas scientifiques.

Les trois meutes ciblées n’ont tué que 3 bêtes en tout

Trois des meutes ciblées – Les Toules, Hérens-Mandelon et Nendaz-Isérables – n’ont tué qu’un animal de rente chacune. Trois bêtes en tout. Soit 1% des attaques en situation protégée !

L’analyse des chiffres publiés par le Canton montre aussi qu’une grande majorité des attaques a encore lieu dans des alpages non suffisamment protégés, en particulier dans le Haut-Valais.

Une enquête du Tages Anzeiger du 9 janvier dernier montrait que seul 2% des moutons morts en 2024 l’ont été à cause du loup. Près de 57’000 moutons sont ainsi morts l’an dernier, un chiffre en constante hausse ces dernières années (cette statistique ne tient bien sûr pas compte des moutons abattus ou exportés). Le pourcentage de décès des moutons est très élevé (13%) par rapport aux pourcentages d’autres animaux de rente (3,5% pour les bovins par ex.). L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) explique l’augmentation du nombre d’animaux morts par les maladies, les conditions météorologiques et, plus généralement, les conditions d’élevage.

On peut légitimement se demander si l’argent du contribuable est bien utilisé et s’il est utile que des gardes-chasses consacrent des journées entières à tirer des loups sans que l’effet bénéfique de ces tirs de régulation soit démontré.

Le canton du Valais nous apprend d’autre part que 227’000.- ont été versés aux éleveurs pour dédommager les 341 animaux de rente prédatés, soit 665.- par animal. Il mentionne aussi que 16’400 heures ont été consacrées par des employé·e·s de l’administration pour la gestion et les tirs de régulation du loup, ce qui doit correspondre à un montant de l’ordre du million de francs. Que l’on va dépenser année après année, les loups tués étant rapidement remplacés par de nouveaux loups. On peut légitimement se demander si l’argent du contribuable est bien utilisé et s’il est utile que des gardes-chasses consacrent des journées entières à tirer des loups sans que l’effet bénéfique de ces tirs de régulation soit démontré.

Le loup est un prédateur naturel, sa présence est gage d’un meilleur équilibre écologique. Là où il est présent, on constate que les forêts peuvent mieux se rajeunir et assurer notamment leur fonction de protection. Ce qui signifie aussi des coûts en moins pour l’Etat qui ne doit pas recourir à des mesures coûteuses pour protéger les jeunes arbres de l’abroutissement par les ongulés.

Pour que les tirs de régulation aient un sens, il faut absolument que les milieux scientifiques soient consultés et surtout, que les « bons loups » soient visés.

Pourquoi cette obstination du canton à agir seul, sans concertation, sans écoute des faits scientifiques?

Pourquoi le Valais refuse-t-il de mettre en place un groupe Grands Prédateurs, comme le fait le canton de Vaud? Pourquoi refuser toute table ronde, tout dialogue, toute ouverture à des experts indépendants?

Le Valais ne peut pas faire cavalier seul. Il est temps d’ouvrir le débat et d’adopter une gestion basée sur les faits, et non sur des peurs irrationnelles ou des intérêts à court terme. C’est ainsi que l’on se préoccupe vraiment des préoccupations des éleveurs et éleveuses, pas en agitant de manière émotionnelle la figure du grand méchant loup.

La nature ne se plie pas aux agendas politiques. 🌿🌿🐺

Christophe Clivaz

 

La Suisse se montrera-t-elle pionnière en inscrivant dans sa Constitution le respect des limites planétaires?

La Suisse se montrera-t-elle pionnière en inscrivant dans sa Constitution le respect des limites planétaires?

popouLe 9 février prochain, le peuple suisse pourra prendre une décision inédite, mais pourtant cohérente avec les engagement que la Suisse à pris. Celle de tourner la page d’un système en crise. Nous savons toutes et tous que notre économie est largement dépendante de la surexploitation des ressources naturelles et de la destruction de l’environnement. Nous savons également que cela n’est pas viable et qu’il faut inévitablement modifier les règles du jeu.

C’est précisément le but de l’initiative pour la responsabilité environnementale: que l’économie respecte la capacité de renouvellement de la nature, à l’échelle du pays. Cela signifie que la Suisse ne doit porter atteinte à l’environnement que dans la mesure où la nature peut se régénérer afin de conserver les bases vitales de notre existence.

Un système économique mortifère

Cette capacité de la nature à se renouveler est mesurée grâce aux limites planétaires. Trois d’entre elles concernent des ressources naturelles fondamentales: la consommation d’eau, l’utilisation du sol et l’ajout d’azote et de phosphore comme engrais agricole. À celles-ci s’ajoutent le déclin de la biodiversité et le changement climatique. Plus une limite est dépassée, plus le risque de changements environnementaux irréversibles augmente.

Les effets du dépassement des limites planétaires sont dramatiques, et nous les ressentons déjà aujourd’hui, en Valais comme ailleurs. Laves torrentielles, tempêtes, incendies de forêts, eaux polluées, présence des polluants éternels (PFAS) dans nos sols, résidus de plastique dans nos corps, etc. Le système économique actuel est mortifère et doit être profondément réorienté, c’est ce que propose l’initiative.

De plus, l’initiative inclut et tient compte d’un point essentiel: l’acceptabilité sociale.

L’initiative mentionne clairement que sa mise en œuvre doit être socialement acceptable en Suisse et à l’étranger. Cela garantit aussi qu’en aucun cas des mesures ne pourront nuire à la population et en particulier aux personnes et entreprises les plus précaires.

La Suisse pourrait devenir un leader mondial en montrant la voie pour une politique qui allie justice sociale et justice environnementale.

Repenser en profondeur notre système économique

Si l’initiative est acceptée, c’est le Parlement qui sera chargé de la mettre en œuvre. Il pourrait ainsi par exemple décider de supprimer les milliards d’aides financières étatiques nocives pour le climat et la biodiversité, d’investir dans la transition écologique, de promouvoir une gouvernance participative des entreprises, d’interdire la publicité pour les produits nocifs pour l’environnement ou d’obliger les multinationales à rendre des comptes sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.Ce sont là quelques exemples de mesures qui pourraient permettre de mettre en œuvre cette initiative qui constitue une véritable chance pour que la Suisse fasse œuvre de pionnier et montre comment un pays peut passer à un système socio-économique post-croissance respectant les limites planétaires.

Cette initiative est sans doute celle dont nous avons le plus besoin pour créer une société juste et viable sur le long terme. Grâce à la responsabilité environnementale, nous pouvons surmonter notre dépendance à la croissance, investir massivement et rapidement dans la transition écologique, avoir des lois efficaces pour réorienter les activités dommageables à l’environnement et repenser nos modes de production et de consommation afin de les rendre compatibles avec les bases du vivant. Dire Oui à cette initiative, c’est une évidence : qui peut être favorable à une économie qui détruit les bases du vivant ?

Christophe Clivaz

Plus d’infos sur l’initiative pour la responsabilité environnementale

 

Les limites planétaires sont les seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer et pour pouvoir durablement vivre dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l’environnement planétaire.

Image: Les limites planétaires et leur dépassement en 2023. Le cercle en pointillés représente l’estimation des limites de durabilité et les zones colorées l’estimation de leur état fin 2023, la couleur orange représentant un dépassement. Les neuf limites planétaires sont, dans le sens antihoraire et en partant du haut :
(1) Changement climatique
(2) Érosion de la biodiversité
(3) Modifications des usages des sols
(4) Utilisation d’eau douce

Source: Wikipédia

(5) Perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore
(6) Acidification des océans
(7) Aérosols atmosphériques
(8) Diminution de la couche d’ozone
(9) Pollution chimique (nouvelles entités)