Que faire des remontées mécaniques abandonnées?

Que faire des remontées mécaniques abandonnées?

L’émission Rundschau SRF du 3 janvier dernier a consacré un reportage aux installations de
remontées mécaniques abandonnées. Les propriétaires de ces installations ont refusé de répondre
aux questions des journalistes: le sujet est sensible.

Réchauffement climatique, manque de rentabilité, de plus en plus de domaines skiables ont été contraints ces dernières années de stopper leur activité ou de la réduire en abandonnant l’exploitation de certaines installations. Cette évolution va se poursuivre et s’accentuer à l’avenir.

Dans ce contexte, il est important que ces installations, lorsqu’elles ne sont plus utilisées, soient démontées dans un délai raisonnable et que le terrain soit remis en état. Ceci permet d’éviter toute atteinte pérenne à la nature et de restaurer la qualité du paysage, si importante pour l’attractivité touristique.

La Loi fédérale sur les installations à câbles prévoit l’obligation de démantèlement, au frais du propriétaire, des installations mises hors service définitivement. Dans la pratique, il apparaît qu’il faut souvent un long délai avant que ces installations hors service soient démontées. Une des raisons de cette situation est que l’arrêt des installations s’accompagne très souvent de grandes difficultés financières, voire de la faillite, des sociétés propriétaires exploitantes.

Si l’installation perd son propriétaire suite à une faillite, l’obligation du démantèlement incombe subsidiairement au propriétaire foncier. Ce qui peut amener ce dernier à devoir assurer des coûts disproportionnés par rapport à ses capacités financières comme le montre l’exemple de la commune de Bourg-Saint-Pierre en Valais où les installations du domaine skiable de Super Saint- Bernard, fermées en 2010, sont en ruine. Le coût de leur démontage est estimé à 2 millions de francs.

Aujourd’hui on estime à environ une cinquantaine le nombre d’installations abandonnées qui ne sont pas démontées alors qu’elles devraient l’être, selon un recensement établi par Mountain Wilderness.

 

Assurer le financement du démontage de ces installations via un fonds

Ces prochaines décennies il faut s’attendre à ce que d’autres installations ferment définitivement, comme le reconnaît d’ailleurs le Conseil fédéral dans la réponse qu’il a donnée à une de mes interpellations. Dans ce contexte, je propose via une initiative parlementaire la création d’un fonds de démantèlement permettant de couvrir l’ensemble des frais liés au démantèlement des installations après leur durée de vie usuelle. Ce fonds serait alimenté annuellement par les propriétaires des installations.

Si les installations sont remplacées, alors le fonds peut être utilisé pour apporter une partie du financement des nouvelles installations. Cela permettrait dans ce dernier cas de contribuer à résoudre un autre problème, celui de la difficulté rencontrée par nombre d’entreprises de remontées mécaniques pour trouver des sources de financement lorsqu’elles doivent renouveler leurs installations.

La mise en place d’un tel fonds signifie pour les propriétaires de remontées mécaniques de devoir mettre chaque année un peu d’argent de côté. Ce ne serait certes pas facile pour un certain nombre d’entre eux, déjà confrontés à une situation financière difficile. Mais l’enjeu est aussi de mieux protéger notre paysage et notre nature qui, il faut le rappeler, sont aussi nos principaux atouts touristiques.

Interventions déposées:
Initiative parlementaire « Création d’un fonds pour le démantèlement des installations de remontées mécaniques hors service »
Interpellation Quid du démantèlement des installations de remontées mécaniques abandonnées? »
Motion « Fixer un délai pour le démantèlement des installations de remontées mécaniques hors service »

Tourisme : le « toujours plus » n’est pas la solution

Tourisme : le « toujours plus » n’est pas la solution

L’organisation de descentes de coupe du monde en novembre à Zermatt témoigne de la difficulté à sortir du dogme de la croissance.

Les médias suisses et étrangers se sont beaucoup épanchés sur les déboires liés à l’organisation des coupes du monde de ski de Zermatt. Après la polémique autour des images de destruction du glacier à coups de pelle mécanique, et du caractère illégal d’une partie de ces travaux, voilà que les 4 épreuves prévues ces deux derniers week-ends ont dû être annulées. Après déjà l’annulation l’année dernière des 4 épreuves prévues en octobre, à une période où la neige avait fait défaut.

C’en était trop pour le président du comité d’organisation, Franz Julen, qui n’a pas pu retenir ses larmes devant les caméras après tous les efforts consentis. Des larmes qui viennent rappeler que tout n’est pas noir ou blanc. Oui les retombées économiques et marketing sont les principaux éléments qui expliquent la volonté d’organiser ces épreuves à cette période de l’année et dans ce contexte les considérations écologiques ne pèsent pas lourds. Mais les larmes de Franz Julen sont sincères et on imagine bien sa déception, ainsi que celle de son comité d’organisation et des centaines de bénévoles présents, qui n’ont pas pu récolter le fruit de leur engagement.
 

L’esprit pionnier de Zermatt pour sortir du « tout-ski »?

La capacité d’innovation et l’esprit de pionnier de Zermatt sont souvent évoqués pour expliquer le succès de la station depuis sa création au milieu du 19ème siècle. Zermatt a souvent su se réinventer et s’adapter aux modifications du contexte touristique. L’organisation de descentes de coupe du monde en automne à plus de 3000 mètres d’altitude s’inscrivent dans cette tradition.

Mais elle témoigne aussi de la difficulté à sortir de l’idée qu’il en faut toujours plus pour assurer le succès d’une station, quel que soit le prix écologique à payer ou en faisant fi des réalités environnementales ou météorologiques. La liaison câblée de Breuil-Cervinia à Zermatt inaugurée récemment participe de cette même logique de croissance en ciblant spécifiquement la clientèle asiatique.

D’un côté un village sans voitures avec des bus électriques et la volonté d’être une destination « swisstainable », de l’autre un glacier éventré et la recherche de toujours plus de touristes asiatiques au bilan carbone désastreux. Grand écart assuré.

Mais cette « schizophrénie » ne concerne pas que le niveau local. Les politiques menées par les cantons et la Confédération en matière de soutien au tourisme sont elles aussi largement basées sur l’idée de la croissance et du toujours plus. Le fait que ces politiques soulignent la nécessité de respecter les principes du développement durable n’y change pas grand-chose.

Aujourd’hui est-ce que l’esprit de pionner, ce ne serait pas plutôt, à Zermatt comme dans d’autres stations, d’abandonner cette volonté de croissance et d’augmentation des flux de visiteurs et d’initier à la place une stratégie de transition touristique ?

Une stratégie donnant plus d’importance au bien-être social des habitants et des employés (conditions de logement et de travail), et tenant davantage compte des impacts des activités touristiques sur la nature, le paysage et le climat. Un sacré défi certes, mais stimulant et qu’il est tout à fait possible de relever afin d’améliorer notre qualité de vie et celle de nos enfants.

 

Abattage du loup: Albert Rösti jette de l’huile sur le feu

Abattage du loup: Albert Rösti jette de l’huile sur le feu

Loin de mettre en œuvre de manière pragmatique la Loi sur la Chasse, le Conseiller fédéral privilégie le populisme aux connaissances scientifiques.

En décembre 2022, le parlement adoptait une révision de la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages, dont il vaut la peine de rappeler le titre en entier qui ne concerne pas que la chasse.

Sous l’impulsion d’Albert Rösti, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance d’application qui stipule que 60 à 70 % de la population de loups peut être éliminée par des tirs préventifs sur des meutes entières. Contrairement aux habitudes, il n’y a pas eu pour cette ordonnance de procédure de consultation ordinaire. L’Office fédéral de la Justice a pourtant souligné que la modification de l’rdonnance nécessitait une consultation ordinaire et pas une consultation réduite à sa portion congrue, c’est-à-dire adressée à un petit nombre d’acteurs avec un délai de réponse extrêmement court. Cette manière de faire ne correspond pas à la manière suisse de travailler et ne respecte pas nos institutions.

 

Connaissances scientifiques ignorées

En outre, la définition de cinq régions et d’un seuil total de 12 meutes pour assurer la survie de l’espèce dans notre pays est arbitraire et ne repose sur aucune base scientifique. Au contraire, elle contredit les propres chiffres avancés jusqu’ici par le Conseil fédéral qui, s’appuyant sur les travaux de spécialistes, affirmait que le seuil inférieur était d’au moins 20 meutes (17 dans les Alpes et 3 dans le Jura).

L’argument principal pour justifier les tirs de meutes de loups est que la hausse de la présence du loup s’accompagne d’une augmentation des déprédations. Pourtant, en 2023 le nombre de loups a augmenté mais le nombre d’attaques a diminué, en Suisse comme en Valais, montrant que la progressive mise en place d’une véritable protection des troupeaux porte ses fruits.

Lorsque j’ai interpellé spécifiquement Albert Rösti sur ce point lors de la session de décembre 2023 au Conseil national, il a répondu que les chiffres des attaques pour l’année en cours n’étaient pas connus… ! Il est plus facile d’ignorer la réalité que d’appuyer ses décisions sur celle-ci.

Le gouvernement valaisan s’est bien sûr empressé de s’engouffrer dans la brèche ouverte par Albert Rösti, appelant à la rescousse des chasseurs trop contents de pouvoir faire la peau au loup, leur principal concurrent en matière de gibier. Parmi eux, un Conseiller d’Etat qui n’a visiblement rien d’autre de mieux à faire que d’aller à la chasse…

La présence du loup constitue un sacré défi pour les éleveurs. Le tir préventif a été accepté par le parlement et doit donc être mis en œuvre.

Dans un débat aussi émotionnel, pourquoi mettre en place un dispositif de tir préventif aussi drastique qui exacerbe les tensions entre pro et anti-loups, plutôt que de proposer une solution nuancée?

Le pire est que l’on fait croire aux éleveurs que le problème sera réglé avec le tir de meutes alors que celui-ci pourrait au contraire amener davantage de prédations. Les loups devenus solitaires suite à la dislocation de leur meute causent,
proportionnellement, plus de dommages que les loups évoluant au sein de meutes bien installées.

 

 

Bilan de la session de décembre 2023

Bilan de la session de décembre 2023

Lors de la session de décembre, l’élection du Conseil Fédéral a passablement monopolisé l’attention, mais le parlement a pris un certain nombre de décisions, dont voici un résumé:

 

Financement uniforme des soins: conséquences financières floues

Aujourd’hui, le financement des prestations stationnaires et ambulatoires n’est pas identique. Lors d’une hospitalisation, 55% des coûts sont pris en charge par les assureurs-maladies et 45% par les cantons; lors d’un traitement ambulatoire, 100% des coûts sont pris en charge par les assureurs-maladies (donc financés par les primes d’assurance maladie).

Tous les acteurs sont d’accord qu’il faut changer le système de financement et avoir les mêmes règles pour les prestations stationnaires et ambulatoires. Le problème: la solution retenue par le parlement, qui a notamment intégré dans la réforme le financement des EMS et des soins à domicile, donne énormément de pouvoir aux caisses d’assurance maladie et ses conséquences financières sont floues.

Le risque existe qu’au final la réforme fasse augmenter les primes de caisse-maladie tout en mettant la pression sur les salaires et les conditions de travail du personnel soignant.

Un référendum a déjà été annoncé par les syndicats. Ça ne m’arrive pas souvent mais j’ai décidé de m’abstenir lors du vote final.  Il est en effet impossible d’obtenir des informations fiables sur les conséquences financières de cette réforme…

 

Budget: l’Office fédéral de l’environnement (OFEN) a été le seul office visé par les coupes

Le souhait du parlement était de monter le budget de l’armée à 1% du PIB d’ici 2035 (8 milliards au lieu des 5,3 milliards actuels). L’armée bénéficie donc de 300 millions de plus pour 2024. Ces 300 millions ont bien entendu dû être économisés ailleurs.

Si l’agriculture et les transports régionaux s’en sortent bien, ce n’est pas le cas pour les infrastructures ferroviaires, le développement régional, l’asile, les actions humanitaires ou l’Office fédéral de l’environnement qui s’est vu refusé toute augmentation de postes.

L’Office fédéral de l’environnement est le seul office qui a été visé par les coupes, ce qui en dit long sur l’orientation idéologique du nouveau parlement…

 

Loi sur l’énergie, accélération des procédures

La construction de centrales solaires, éoliennes et hydroélectriques d’importance nationale sera accélérée grâce à une concentration et un raccourcissement des procédures de planification et de construction.

L’UDC et le PLR ont tenté sans succès (mais de peu) d’affaiblir le droit de recours des organisations environnementales et d’autoriser la construction de nouvelles centrales nucléaires. Le dossier est transmis au Conseil des Etats.

 

Loi sur le CO2 : Une loi molle et peu ambitieuse

Cette nouvelle loi est tellement sans prétention qu’elle ne change pas grand-chose par rapport à la situation actuelle.  Le Conseil Fédéral et le Conseil National sont comme tétanisés suite au refus dans les urnes de la révision précédente en 2021.

Il a par exemple refusé, et c’est très symbolique, de taxer les jets privés. En gros tout le monde doit faire des efforts mais pas les ultra riches qui volent en jet privé et qui, en quelques heures, émettent autant de GES qu’un Suisse moyen pendant une année!

Et on se prive par là de 30 millions qui auraient pu financer des mesures d’assainissement des bâtiments, et qui auraient profité autant aux entreprises en charge des travaux qu’aux propriétaires et locataires….

Et pourtant le OUI clair en faveur de la loi climat en juin dernier montre que la population appelle de ses vœux une politique nettement plus ambitieuse!

Après ces 3 semaines intenses à Berne, je vais prendre congé, aussi des réseaux sociaux, pendant une dizaine de jours. Joyeux Noël et bon passage à 2024 à toutes et tous!