Sélectionner une page

L’organisation de descentes de coupe du monde en novembre à Zermatt témoigne de la difficulté à sortir du dogme de la croissance.

Les médias suisses et étrangers se sont beaucoup épanchés sur les déboires liés à l’organisation des coupes du monde de ski de Zermatt. Après la polémique autour des images de destruction du glacier à coups de pelle mécanique, et du caractère illégal d’une partie de ces travaux, voilà que les 4 épreuves prévues ces deux derniers week-ends ont dû être annulées. Après déjà l’annulation l’année dernière des 4 épreuves prévues en octobre, à une période où la neige avait fait défaut.

C’en était trop pour le président du comité d’organisation, Franz Julen, qui n’a pas pu retenir ses larmes devant les caméras après tous les efforts consentis. Des larmes qui viennent rappeler que tout n’est pas noir ou blanc. Oui les retombées économiques et marketing sont les principaux éléments qui expliquent la volonté d’organiser ces épreuves à cette période de l’année et dans ce contexte les considérations écologiques ne pèsent pas lourds. Mais les larmes de Franz Julen sont sincères et on imagine bien sa déception, ainsi que celle de son comité d’organisation et des centaines de bénévoles présents, qui n’ont pas pu récolter le fruit de leur engagement.
 

L’esprit pionnier de Zermatt pour sortir du « tout-ski »?

La capacité d’innovation et l’esprit de pionnier de Zermatt sont souvent évoqués pour expliquer le succès de la station depuis sa création au milieu du 19ème siècle. Zermatt a souvent su se réinventer et s’adapter aux modifications du contexte touristique. L’organisation de descentes de coupe du monde en automne à plus de 3000 mètres d’altitude s’inscrivent dans cette tradition.

Mais elle témoigne aussi de la difficulté à sortir de l’idée qu’il en faut toujours plus pour assurer le succès d’une station, quel que soit le prix écologique à payer ou en faisant fi des réalités environnementales ou météorologiques. La liaison câblée de Breuil-Cervinia à Zermatt inaugurée récemment participe de cette même logique de croissance en ciblant spécifiquement la clientèle asiatique.

D’un côté un village sans voitures avec des bus électriques et la volonté d’être une destination « swisstainable », de l’autre un glacier éventré et la recherche de toujours plus de touristes asiatiques au bilan carbone désastreux. Grand écart assuré.

Mais cette « schizophrénie » ne concerne pas que le niveau local. Les politiques menées par les cantons et la Confédération en matière de soutien au tourisme sont elles aussi largement basées sur l’idée de la croissance et du toujours plus. Le fait que ces politiques soulignent la nécessité de respecter les principes du développement durable n’y change pas grand-chose.

Aujourd’hui est-ce que l’esprit de pionner, ce ne serait pas plutôt, à Zermatt comme dans d’autres stations, d’abandonner cette volonté de croissance et d’augmentation des flux de visiteurs et d’initier à la place une stratégie de transition touristique ?

Une stratégie donnant plus d’importance au bien-être social des habitants et des employés (conditions de logement et de travail), et tenant davantage compte des impacts des activités touristiques sur la nature, le paysage et le climat. Un sacré défi certes, mais stimulant et qu’il est tout à fait possible de relever afin d’améliorer notre qualité de vie et celle de nos enfants.