Vagues de chaleur: comment adapter la Suisse face aux canicules?

Vagues de chaleur: comment adapter la Suisse face aux canicules?

A la sortie d’une 2ème vague de chaleur durant cet été 2025 qui a déferlé sur la Suisse et l’Europe de l’ouest, le constat est clair:  ces épidodes deviennent une norme estivale. Il est urgent que la Suisse se prépare et protège sa population, en particulier les plus vulnérables.

Le réchauffement climatique rend ces périodes caniculaires plus fréquentes, plus longues et plus intenses. D’un côté, certaines régions de montagne restent relativement épargnées : y vivre ou y passer ses vacances permet de mieux supporter la chaleur et de mieux dormir la nuit. Mais en plaine, la situation est bien plus difficile, notamment pour les personnes âgées, les enfants ou les malades chroniques. L’organisme est mis à rude épreuve, avec à la clé un inconfort important, mais surtout une augmentation des décès prématurés liés à la chaleur.

Logements inabitables

De nombreux logements existants n’ont pas été conçus pour faire face à de telles températures. L’Office fédéral de l’énergie vient d’ailleurs d’annoncer qu’une grande partie des habitations en Suisse risquent de devenir inhabitables dans les décennies à venir, tant les conditions estivales vont se détériorer.

Les vagues de chaleur ne menacent pas seulement la santé publique : elles affaiblissent les écosystèmes, augmentent les risques d’incendie de forêt, aggravent les inégalités sociales — car les personnes à faibles revenus vivent souvent dans des logements mal isolés —, et mettent en péril notre sécurité alimentaire en réduisant les rendements agricoles.

Nous avons besoin d’un plan pour une Suisse résiliente, capable de protéger ses habitant·es et son environnement même durant les périodes de canicule. C’est pourquoi les Vert·e·s viennent de publier un plan canicule pour la Suisse.

La lutte contre les chaleurs extrêmes passe d’abord par un refroidissement des villes et des agglomérations. Il faut construire des bâtiments neufs avec une ventilation naturelle efficace, accélérer la rénovation énergétique et l’isolation du bâti existant, et fixer des objectifs nationaux ambitieux pour réduire les surfaces imperméabilisées. Plantons plus d’arbres – des climatiseurs naturels très efficaces -, multiplions les points d’eau et exigeons des quotas de végétalisation contraignants ainsi que des stratégies de type « villes-éponges ». Ces réaménagements urbains permettent non seulement de rafraîchir l’espace public, mais aussi de renforcer le vivre-ensemble et de mieux faire face aux épisodes de fortes pluies, eux aussi en augmentation.

Des climatiseurs pour les écoles et établissements de soins

Assurer la santé de toute la population demande aussi de nouvelles mesures concrètes. Les écoles et les établissements de soins doivent, si nécessaire, être temporairement équipés de climatiseurs, dans l’attente d’une rénovation énergétique complète ou lorsque celle-ci s’avère insuffisante. Les autres lieux publics — bibliothèques, administrations, centres communautaires — doivent être accessibles et servir de lieux de fraîcheur pour les personnes qui ne peuvent pas se rafraîchir chez elles. Chaque canton devrait disposer d’un plan d’action spécifique contre les vagues de chaleur.

D’autres enjeux méritent également une attention urgente : la protection contre la chaleur sur le lieu de travail, ou encore l’adaptation de notre agriculture, pour renforcer sa résilience face aux épisodes de sécheresse et de canicule.

Mais pour agir efficacement, il faut des moyens financiers. C’est pourquoi nous proposons, avec le PS, la création d’un Fonds national pour le climat. Ce fonds permettra de financer des mesures concrètes de protection contre la chaleur, et plus largement de soutenir la transition vers une société durable.

Enfin, au-delà de l’adaptation, il est impératif de s’attaquer aux causes profondes du problème. Nous devons redoubler d’efforts pour sortir des énergies fossiles et réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Car sans action climatique ambitieuse, les canicules d’aujourd’hui ne seront qu’un avant-goût de ce qui nous attend demain.

 

Le trafic aérien, un enjeu écologique, mais aussi social

Le trafic aérien, un enjeu écologique, mais aussi social

Les émissions de gaz à effet de serre de l’aviation sont en constante augmentation. Il est urgent de trouver des solutions qui permettent de réduire le trafic aérien de manière socialement juste.

L’été est là, les aéroports tournent à plein régime et les Suisses reprennent leur habitude de prendre l’avion pour partir en vacances. Avec 1,6 vol par personne et par an, la population suisse vole deux à trois fois plus que celle de nos voisins (1). Et pourtant, ce comportement reste une exception mondiale : 80 % de l’humanité n’a jamais pris l’avion et à peine 2 à 4 % ont effectué un vol international. Fait encore plus marquant: 1 % des passagers sont responsables de la moitié des émissions de l’aviation.

Ces statistiques révèlent de profondes inégalités dans l’accès et l’usage de l’avion comme moyen de transport. On dit souvent que les riches détruisent la planète – c’est particulièrement vrai pour l’aviation. L’exemple le plus évident, ce sont les jets privés, utilisés uniquement par une minorité extrêmement fortunée. Plus généralement, le revenu est fortement corrélé à la propension à voler: en Suisse, les personnes vivant dans des ménages avec plus de 12’000 francs par mois voyagent cinq fois plus en avion que celles gagnant moins de 4’000 francs. (2)

L’aviation est aussi l’une des activités les plus nuisibles pour le climat. Par heure de vie, difficile de faire pire. Un aller-retour en classe économique à Bali émet 5,4 tonnes de CO₂, soit plus que les 5 tonnes qu’émet en moyenne un·e Suisse par an (hors importations).(3)

Il est donc essentiel de réduire le trafic aérien. Les solutions technologiques sont encore loin d’être prêtes: le premier avion à hydrogène est attendu pour 2035, et ne sera pas opérationnel pour les vols long-courriers. Les biocarburants et carburants de synthèse nécessitent d’énormes quantités de biomasse ou d’électricité renouvelable, et leur production entrera en concurrence avec des usages prioritaires, comme l’agriculture ou l’électrification des transports terrestres (4).

Il faudra donc bien passer par une réduction du trafic aérien, qui soit socialement équitable. Deux pistes concrètes existent :

1. Une taxe sur les grands voyageurs aériens (TGVA)

La TGVA est une contribution financière proportionnelle à la fréquence des vols. Elle cible les grands voyageurs, souvent les plus aisés, plutôt que de pénaliser l’ensemble des passagers. En adaptant le montant en fonction de la fréquence des vols, la TGVA permet de concentrer la charge fiscale sur les voyageurs fréquents plus aisés, plutôt que sur les personnes qui prennent l’avion occasionnellement. Ce mécanisme permet de garantir que les personnes à faible revenu ne soient pas exclues des voyages aériens en raison des politiques climatiques (5). D’ailleurs une étude (6) montre que la TGVA serait plus efficace qu’une taxe unique sur tous les billets d’avion pour réduire les émissions, et cela également sur le long terme.

2. Une carte carbone individuelle

Cette carte attribuerait à chaque personne un quota d’émissions pour le trafic aérien, correspondant à un budget climatique réparti équitablement entre tous les habitants. Elle permettrait à la fois de limiter les émissions et de sensibiliser la population.

Je déposerai lors de la prochaine session parlementaire :

  • une motion pour l’introduction d’une TGVA,

  • un postulat pour explorer la faisabilité d’une carte carbone individuelle.

En attendant, il est tout à fait possible de partir en vacances sans avion. Des sites comme fairunterwegs.org ou simpletrain.ch proposent des alternatives de voyage durables et inspirantes.

Le projet d’extension de l’aéroport de Sion : un non-sens

Le 23 juin dernier, le Conseil d’État a relancé son projet de développer l’aéroport de Sion pour accueillir des vols de ligne. Ce projet est absurde d’un point de vue climatique, aberrant pour les riverain·es, et voué à l’échec, vu la proximité des aéroports de Genève, Zurich et Milan.

 

 

Notes et références:

1. Intraplan, Monitoring der Wettbewerbsfähigkeit des Schweizer Luftverkehrs
2. OFS (2023). Comportement de la population en matière de mobilité. Résultats du microrecensement
mobilité et transports 2021, Berne.
4.  Voir cet article d’Helvetas
3. Si l’on tient compte des émissions liées à nos importations, la moyenne est de 13 t. par personne et
par année.
5. Zheng, X. S., & Rutherford, D. (2022). Aviation climate finance using a global frequent flying levy. The International Council on Clean Transportation.
6. Fouquet, R., & O’Garra, T. (2022). In pursuit of progressive and effective climate policies: Comparing
an air travel carbon tax and a frequent flyer levy. Energy Policy, 171, 113278.
https://doi.org/10.1016/J.ENPOL.2022.113278

 

La catastrophe de Blatten sonne-t-elle le glas de la vie en montagne?

La catastrophe de Blatten sonne-t-elle le glas de la vie en montagne?

Face à l’augmentation des événements climatiques extrêmes comme la catastrophe de Blatten, agir maintenant pour atténuer le changement climatique et s’y adapter est une nécessité vitale.

Dix jours après la catastrophe qui a englouti Blatten, on reste toujours sans voix devant la puissance des éléments naturels et en pensées solidaires avec les habitants qui ont tout perdu. Grâce à un système de gestion des risques bien rodé et à l’évacuation préventive, le pire a été évité. On ne peut que remercier toutes les personnes qui font fonctionner ce système et qui seront encore sur le terrain ces prochaines semaines.

Multiplication des événements extrêmes

Ce qui s’est passé à Blatten, la rupture du glacier du Birch, choque d’autant plus qu’un village entier a été englouti. Mais ce drame n’est pas un cas isolé. La Suisse connaît une recrudescence d’événements extrêmes depuis quelque temps déjà, comme l’année dernière dans le Val Bavona, à Brienz ou au Misox. Et le Valais est en première ligne, comme tant d’autres régions alpines. Il a été particulièrement touché en 2024: Vallée de Saas, Haut Val de Bagnes, Val d’Anniviers ou bien sûr Sierre où plus de 140 personnes ont perdu leur logement. 

« Les montagnes s’effritent, car le réchauffement climatique les affecte particulièrement. Les glaciers fondent, le pergélisol se résorbe, la neige se raréfie. Conjugués à des conditions météorologiques extrêmes, ces phénomènes entraînent une augmentation des dangers naturels dans l’arc alpin. »


Michael Lehning, directeur de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches.

On entend souvent: « Il y a toujours eu des catastrophes naturelles. ». C’est vrai. Mais aujourd’hui, leur fréquence et leur intensité explosent, conséquence directe du réchauffement climatique. En Valais, la température moyenne a déjà augmenté de 3°C depuis la fin du XIXe siècle. Comme l’écrit le directeur de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF dans le dernier numéro du magazine « Diagonale » du WSL consacré au thème Attention danger ! Changement climatique et dangers naturels, « les montagnes s’effritent, car le réchauffement climatique les affecte particulièrement. Les glaciers fondent, le pergélisol se résorbe, la neige se raréfie. Conjugués à des conditions météorologiques extrêmes, ces phénomènes entraînent une augmentation des dangers naturels dans l’arc alpin. » 

« Je suis convaincu que nous pouvons – et devons – continuer à vivre dans les vallées de montagne. Mais je ne veux pas raconter des histoires: si le climat continue à se réchauffer, cette vie y deviendra de plus en plus difficile. »

Christophe Clivaz

Dans ce contexte, entendre certains milieux comme Avenir Suisse ou la NZZ, via la parole de son rédacteur en chef, suggérer d’abandonner le soutien aux vallées sinistrées est choquant. Faut-il vraiment renoncer à la vie en montagne? Toute la délégation valaisanne au Parlement fédéral a heureusement rejeté fermement cette idée. Les Alpes sont une part essentielle de notre identité nationale. Opposer citadins et montagnards n’a aucun sens, alors que tant de citadins viennent justement se resssourcer chez les seconds.

Je suis convaincu que nous pouvons – et devons – continuer à vivre dans les vallées de montagne. Mais je ne veux pas raconter des histoires: si le climat continue à se réchauffer, cette vie y deviendra de plus en plus difficile. Les mesures de protection ne peuvent pas tout compenser: pour des raisons techniques, logistiques, mais aussi financières.

Et ce n’est pas qu’une affaire de montagne. Les zones de plaine aussi sont déjà confrontées à des vagues de chaleur, des sécheresses, des inondations. Le dérèglement climatique touche tout le pays.

Coupes budgétaires inappropriées dans les mesures de protection contre les risques naturels

Dans son programme d’allègement budgétaire 2027, le Conseil fédéral prévoit des coupes importantes dans la protection contre les risques naturels ainsi que dans la protection du climat, par exemple en supprimant les subventions pour l’assainissement énergétique des bâtiments. C’est l’inverse qui est nécessaire! Engager davantage de moyens financiers pour nous adapter à l’augmentation des événements extrêmes et pour réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre. Ce sera de plus en plus une question existentielle pour bien des régions de montagne. 

Christophe Clivaz

 

Assouplir le frein à l’endettement: un investissement pour notre avenir

Assouplir le frein à l’endettement: un investissement pour notre avenir

Investir aujourd’hui pour économiser demain: l’exemple de la lutte contre le changement climatique montre que le frein à l’endettement, dans sa forme actuelle, empêche des investissements cruciaux pour notre avenir.

Les effets du changement climatique, qu’il s’agisse des niveaux bas des eaux intérieures qui perturbent le transport maritime et fluvial, des vagues de chaleur qui nuisent à la productivité, des rendements agricoles plus faibles, des chaînes d’approvisionnement perturbées ou des événement météorologiques extrêmes, impactent déjà aujourd’hui lourdement l’économie mondiale. Et la Suisse, le Valais en particulier, n’y échappe pas: les inondations et glissements de terrain de l’année dernière sont encore dans toutes les mémoires.

Une injustice climatique flagrante

Il faut aussi souligner ici une profonde injustice: les personnes qui souffrent le plus du dérèglement climatique sont aussi celles qui y ont le moins contribué. Ce sont donc les pays les moins responsables du changement climatique et disposant de moins de ressources pour s’adapter qui souffrent et souffriront le plus des dégâts causés. Cette injustice climatique existe aussi entre les classes sociales puisque les personnes les plus démunies sont aussi celles qui ont le plus faible bilan carbone et ce sont elles aussi qui ont le moins la possibilité de s’adapter, par exemple en déménageant ou en installant une climatisation lorsque les conditions climatiques deviennent trop extrêmes.

Si l’on agit maintenant et que l’objectif de deux degrés fixé dans l’Accord de Paris est respecté, les coûts des mesures de protection du climat seront nettement moins importants que ceux de l’inaction. Selon une étude publiée l’année dernière, les coûts de la protection du climat pour une trajectoire de deux degrés seraient six fois inférieurs aux coûts des dommages causés par les changements climatiques.

« Il existe un consensus scientifique selon lequel les risques physiques d’un changement climatique non maîtrisé sont largement supérieurs aux coûts des mesures de protection du climat ».
Selon un rapport mandaté par l’OFEV

La Confédération fait le même constat. En 2019, un rapport mandaté par l’OFEV indiquait clairement que « il existe un consensus scientifique selon lequel les risques physiques d’un changement climatique non maîtrisé sont largement supérieurs aux coûts des mesures de protection du climat ». Le Conseil fédéral indique qu’un changement climatique non maîtrisé se traduirait par un recul du PIB de la Suisse de 4% en 2050. Or, en limitant le réchauffement global à 1,5°C, les coûts du changement climatique ne représenteraient plus que 1,5% du PIB en 2050, soit une économie de 20 à 30 milliards en 2050.

Des coupes budgétaires à contre-courant

Et pourtant le Conseil fédéral entend réduire les investissements climatiques et énergétiques dans son programme d’allègement budgétaire. Il propose par exemple de supprimer le programme Bâtiments qui permet de soutenir financièrement l’assainissement énergétique des bâtiments alors que le rythme d’assainissement est insuffisant pour atteindre les objectifs que la Suisse s’est fixée. Ou de ne pas soutenir les trains de nuit malgré l’acceptation de cette mesure par le peuple lors de la votation sur la Loi Climat et Innovation.

C’est vrai, les besoins de financement sont énormes si nous voulons agir à la hauteur des enjeux.  Mais dans un contexte où les dépenses militaires explosent, il est incohérent de les compenser en sacrifiant notre avenir climatique, énergétique et social.

Investir pour l’avenir, pas seulement pour le climat

Le frein à l’endettement tel qu’il existe aujourd’hui empêche les investissements de long terme indispensables à la transition écologique et sociale. Nous savons que plus nous agissons vite, mieux nous pouvons réduire nos émissions et nous adapter aux conséquences déjà bien présentes du changement climatique.  Nous savons que plus nous agissons tôt, plus nous limitons les coûts futurs. S’endetter intelligemment aujourd’hui, pour économiser demain, c’est faire preuve de responsabilité.

Et cela ne concerne pas que la protection du climat. Sans un assouplissement du frein à l’endettement, de nombreux domaines où il faudrait investir plutôt que de couper dans les budgets seront touchés: formation, recherche, crèches, trafic régional, soutien à la culture, au sport et au tourisme, services publics dans les régions périphériques, etc.

 

Christophe Clivaz

Le masculinisme, nouvelle menace toxique pour l’égalité

Le masculinisme, nouvelle menace toxique pour l’égalité

Ils ont 13, 15 ou 17 ans. Ils traînent sur TikTok, YouTube ou Instagram. Et de plus en plus, ils remettent en cause l’égalité entre les genres.

Il vous est peut-être déjà arrivé de tomber sur ce terme dans un article ou une émission. Depuis la mi-mars, la mini-série Netflix Adolescence, qui raconte l’arrestation d’un adolescent de 13 ans accusé de meurtre, a ravivé le débat. Elle met en lumière l’influence croissante des contenus masculinistes sur internet et leur impact préoccupant sur les plus jeunes.

Présenté comme une solution à tous les problèmes que peut rencontrer un homme, le masculinisme façonne la manière dont les jeunes construisent leur rapport aux femmes, à eux-mêmes et au monde. Des rapports alertent: cette idéologie est en pleine expansion, surtout auprès des jeunes, et elle constitue une menace réelle pour l’égalité de genre et la lutte contre les violences sexistes.

Depuis quelques années, on assiste à une explosion de ces contenus en ligne. Des influenceurs proposent des vidéos de « coaching » sur la manière de séduire et de dominer une femme, ou encore des podcasts pseudo-scientifiques vantant la supériorité masculine. Ces messages se diffusent sans filtre, portés par des algorithmes et une quasi-absence de modération. Résultat: des centaines de milliers de garçons, souvent très jeunes, sont exposés à des discours profondément problématiques.

En effet, les contenus masculinistes prônent une vision violente des relations interpersonnelles, marquée par l’hostilité et la domination. Les défenseurs de l’idéologie masculiniste déplorent une crise de la masculinité et promeuvent un idéal fantasmé de l’homme, qui se devrait d’être dominant, agressif et inébranlable. Pour eux, l’homme est socialement supérieur aux femmes et aux personnes qui n’adhèrent pas à leur vision de la masculinité, ce qui a pour conséquence de légitimer des comportements violents, misogynes, homophobes et extrémistes.

 

Violence qui impacte aussi les hommes

La violence est statistiquement principalement masculine et l’adhésion à la pensée masculiniste accroît cette problématique. En Suisse, 92% des lésions corporelles graves, 97% des agressions sexuelles et 86% des homicides sont causés par des hommes, qui d’ailleurs représentent plus de 94% de la population carcérale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cet excès de violence impacte aussi les hommes, qui se suicident 2,7 fois plus que les femmes. Au-delà des dégâts humains, cette violence liée au masculinisme a aussi un coût économique élevé. En Suisse, il a été estimé à 9,4 milliards de francs, soit 15% des dépenses annuelles de la Confédération.

Il est nécessaire d’agir rapidement pour éviter une dégradation de la cohésion sociale, des droits des femmes et du vivre-ensemble. Cependant, lutter contre le masculinisme nécessite une approche politique globale combinant éducation, prévention, régulation du numérique, accompagnement des jeunes hommes, promotion d’une masculinité dite positive et sanctions renforcées contre la violence sexiste. Parmi les solutions, l’éducation à l’égalité de genre, aux médias, ainsi qu’à la vie affective et relationnelle sont essentielles. Bien sûr, l’école joue un rôle clé, mais le cadre familial est également essentiel pour que les jeunes garçons puissent développer un esprit critique vis-à-vis de la pensée masculiniste.

 

Un phénomène qualifié de « terrifiant »

Ce phénomène dangereux touche d’ailleurs une multitude de pays et l’on recense de plus en plus d’attentats masculinistes, tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Or, une prise de conscience semble apparaître peu à peu. Au Royaume-Uni, la police qualifie ce phénomène de terrifiant, au point que le sujet a été élevé au rang d’urgence nationale en 2024. En Suisse, les sujets de la masculinité et de la radicalisation ont été explicitement intégrés dans le deuxième Plan d’action national de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent 2023-2027.

Le Conseil fédéral reconnaît l’ampleur du problème. Pourtant, à ce jour, aucune donnée n’est collectée sur la diffusion de ces idéologies. Et sans données, impossible de mesurer l’ampleur du phénomène ni de construire des politiques publiques efficaces pour y répondre.

C’est pourquoi j’ai déposé une motion lors de la dernière session du Parlement, demandant au Conseil fédéral de lancer un travail de collecte de données sur la diffusion du masculinisme en Suisse. Si nous voulons protéger nos jeunes, défendre l’égalité et préserver la cohésion sociale, nous devons comprendre le phénomène pour mieux le combattre.

 

Christophe Clivaz