Sélectionner une page

Le 9 juin, un choix crucial nous attend concernant la Loi pour l’électricité. Face aux critiques des opposants, il est primordial de rectifier certaines idées reçues et de souligner l’importance capitale de cette loi pour notre avenir énergétique et environnemental. Explications.

La pesée des intérêts entre protection et exploitation reste la règle

Dans la campagne, les débats risquent de se focaliser sur la tension entre production d’électricité renouvelable et protection du paysage. Le curseur a effectivement été déplacé un peu, dans la pesée des intérêts, en faveur de la production des énergies renouvelables par rapport à la protection de la nature et du paysage. Les ordonnances d’application, qui sont en phase de consultation, sont cependant rassurantes. Elles précisent bien qu’il ne s’agit en aucun cas de démanteler la protection de la nature et du paysage et que la pesée des intérêts reste la règle. Dire le contraire est simplement faux.

 

Augmentation importante de la production d’énergie renouvelable sur le bâti existant

Si la campagne va se focaliser sur la tension entre production d’énergie renouvelable et protection de la nature et du paysage, le point essentiel de la loi est pourtant ailleurs. Le Parlement a fixé des objectifs très ambitieux en termes de production d’électricité renouvelable. Au moins 35 TWh d’électricité devront être produits en 2035 grâce aux énergies renouvelables (hydraulique non compris), et 45 TWh en 2050. Pour donner un ordre de grandeur, la consommation d’électricité annuelle en Suisse est de l’ordre de 56-57 TWh aujourd’hui et la production hydroélectrique actuelle 37 TWh.

Concrètement c’est en très grande partie le développement du PV sur les toits et les infrastructures qui apportera ces TWh supplémentaires, même si l’éolien et la biomasse ont aussi un rôle à jouer.

Si les débats se focalisent ainsi beaucoup sur les potentielles atteintes au paysage, il faut souligner que cette loi permet de facto que 80 à 90 % du développement des énergies renouvelables se fasse sur les infrastructures existantes.

Et cette forte progression du PV est tout à fait réaliste. En 2023, 1,5 TWh de courant supplémentaire ont été connectées au réseau, soit 50% de plus que l’année précédente. En 2024 le PV produira 10% de la consommation électrique suisse. D’après les projections, même prudentes, le PV produira environ 15 TWh en 2030 (aujourd’hui 6 TWh) dont près de 5 TWh en hiver, soit 5 fois plus que ce qui est espéré avec la production hivernale des parcs solaires alpins…

L’objectif de cette importante production électrique renouvelable supplémentaire, c’est de parvenir à décarboner les systèmes de chauffage (remplacement du mazout et du gaz par des pompes à chaleur) et la mobilité (électrification du parc de véhicules). Dire non à la loi pour l’électricité, c’est ainsi dire oui au maintien de notre dépendance aux énergies fossiles provenant de pays souvent peu démocratiques et refuser d’augmenter notre sécurité d’approvisionnement en énergie.

 

Une Loi qui respecte la nature et le paysage

La situation est évidemment très différente si une installation photovoltaïque alpine ou une éolienne est prévue dans une zone déjà marquée par la main de l’homme et les infrastructures, ou si elle est envisagée dans une nature encore intacte. La loi sur l’électricité précise que lors de la délimitation dans les plans directeurs cantonaux des zones appropriées pour les installations solaires et éoliennes d’importance nationale, les cantons doivent tenir compte des intérêts de protection, et en premier lieu de la protection du paysage. Il est dès lors clair que les installations éoliennes et solaires doivent être construites avant tout hors des paysages protégés inscrits à l’Inventaire fédéral des paysages d’importances nationale (IFP).

Les zones délimitées comme appropriées, dans lesquelles les installations solaires et éoliennes ont la priorité, ne doivent ainsi explicitement pas se trouver dans des paysages d’importance nationale. Ceux-ci couvrent tout de même 17% du territoire national. C’est précisément parce que les installations éoliennes et solaires ont la priorité sur d’autres intérêts dans les zones dites appropriées qu’il sera dissuasif d’en construire ailleurs. Ainsi, cela soulagera les autres territoires, considérant que les projets seront réalisés en priorité dans les zones appropriées délimitées.

 

Une pesée des intérêts aussi pour l’énergie hydraulique

Il en va de même pour l’énergie hydraulique. Le législateur a choisi ici une autre voie et, sur la base d’un accord issu de la table ronde sur l’hydroélectricité, a défini 16 projets qui bénéficient d’un intérêt accru. Cela conduira également à une canalisation et à une concentration des projets. La Fondation pour la protection et l’aménagement du paysage, dont je suis membre du Conseil de fondation, s’est certes prononcée contre un des projets, celui du Gorner, parce qu’elle n’a pas encore obtenu suffisamment d’informations sur ce projet pour pouvoir évaluer son impact sur le paysage. Et pourtant la Fondation soutient la loi pour l’électricité car elle permet de continuer à prendre en compte ces considérations liées au paysage. La priorité donnée en principe à la production d’électricité sur d’autres intérêts d’importance nationale ne signifie en effet pas que toute installation projetée sera forcément autorisée. Un examen au cas par cas et une pesée des intérêts restent obligatoires, y compris pour les projets de la table ronde comme celui du Gorner ou pour les projets d’éoliennes ou de parcs solaires dans les zones appropriées. Ce sont ces différents arguments qui ont convaincu tant Pro Natura, la Fondation suisse pour l’aménagement et la protection du paysage, Aqua Viva, Birdlife, le WWF, Greenpeace ou Mountain Wilderness, des associations qui mettent au centre de leur activité la défense du paysage et de la biodiversité, de soutenir la loi et de s’opposer au référendum.

 

Une facture d’électricité réduite pour les ménages et les entreprises

Il faut noter aussi que pour la première fois un programme d’efficacité a été intégré dans la loi: les fournisseurs d’électricité devront atteindre des objectifs en la matière et faire chaque année économiser du courant à leurs clients. C’est notamment grâce à cette mesure que doit être atteint la diminution de 2 TWh de la consommation d’électricité d’ici 2035 exigée par la loi. Une diminution qui sera bonne pour le portemonnaie tant des privés que des entreprises.

De plus, grâce à l’introduction d’une prime de marché flottante pour les grandes installations d’énergie renouvelable, la rentabilité de ces dernières sera assurée. Lorsque le prix de l’électricité est élevé, la Confédération ne soutiendra pas financièrement et pourra même récupérer de l’argent alors que si les prix sont bas, les exploitants bénéficieront d’une rémunération minimale leur permettant d’atteindre le seuil de rentabilité.

En remplaçant les énergies fossiles comme le mazout, l’essence ou le gaz par de l’électricité, on réduira également les risques de forte fluctuation des prix lors de crises grâce à une augmentation de l’électricité produite localement. Enfin, la Loi sur l’électricité ne prévoit aucune taxe ou impôt supplémentaire.

Une loi très importante pour protéger le climat

Je me suis battu au parlement contre les volontés d’affaiblir la protection de la nature et du paysage, avec un certain succès puisqu’initialement il était prévu de permettre la construction d’installations dans les biotopes d’importance nationale ainsi que de suspendre les débits résiduels dans les cours d’eau. Si je regrette certains affaiblissements mineurs apportés à la protection de la nature et du paysage, il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La loi pour l’électricité est une loi importante pour que la Suisse sorte des énergies fossiles et augmente sa sécurité en matière d’approvisionnement en énergie. Elle constitue une étape décisive dans l’atteinte des objectifs en matière de protection du climat fixés dans la Loi Climat adoptée par le peuple en juin de l’année dernière.

 

La loi ne favorise pas les grands parcs solaires alpins

Sur ce dernier point, il est important de préciser que les dispositions concernant le SolarExpress, adoptées par le parlement en septembre 2022, ne sont pas concernées par le référendum. Que l’on soit pour ou contre ces grands parcs solaires, il sera toujours possible d’en construire, avec 60% de subventionnement public, jusqu’à ce qu’une production de 2 TWh/an soit atteinte. Dire non à la loi pour l’électricité ne permettra pas d’empêcher leur construction, contrairement à ce que laissent volontiers entendre les opposants.

 

Christophe Clivaz

 

En savoir plus: https://loielectricite-oui.ch/