Les émissions de gaz à effet de serre de l’aviation sont en constante augmentation. Il est urgent de trouver des solutions qui permettent de réduire le trafic aérien de manière socialement juste.
L’été est là, les aéroports tournent à plein régime et les Suisses reprennent leur habitude de prendre l’avion pour partir en vacances. Avec 1,6 vol par personne et par an, la population suisse vole deux à trois fois plus que celle de nos voisins (1). Et pourtant, ce comportement reste une exception mondiale : 80 % de l’humanité n’a jamais pris l’avion et à peine 2 à 4 % ont effectué un vol international. Fait encore plus marquant: 1 % des passagers sont responsables de la moitié des émissions de l’aviation.
Ces statistiques révèlent de profondes inégalités dans l’accès et l’usage de l’avion comme moyen de transport. On dit souvent que les riches détruisent la planète – c’est particulièrement vrai pour l’aviation. L’exemple le plus évident, ce sont les jets privés, utilisés uniquement par une minorité extrêmement fortunée. Plus généralement, le revenu est fortement corrélé à la propension à voler: en Suisse, les personnes vivant dans des ménages avec plus de 12’000 francs par mois voyagent cinq fois plus en avion que celles gagnant moins de 4’000 francs. (2)
L’aviation est aussi l’une des activités les plus nuisibles pour le climat. Par heure de vie, difficile de faire pire. Un aller-retour en classe économique à Bali émet 5,4 tonnes de CO₂, soit plus que les 5 tonnes qu’émet en moyenne un·e Suisse par an (hors importations).(3)
Il est donc essentiel de réduire le trafic aérien. Les solutions technologiques sont encore loin d’être prêtes: le premier avion à hydrogène est attendu pour 2035, et ne sera pas opérationnel pour les vols long-courriers. Les biocarburants et carburants de synthèse nécessitent d’énormes quantités de biomasse ou d’électricité renouvelable, et leur production entrera en concurrence avec des usages prioritaires, comme l’agriculture ou l’électrification des transports terrestres (4).
Il faudra donc bien passer par une réduction du trafic aérien, qui soit socialement équitable. Deux pistes concrètes existent :
1. Une taxe sur les grands voyageurs aériens (TGVA)
La TGVA est une contribution financière proportionnelle à la fréquence des vols. Elle cible les grands voyageurs, souvent les plus aisés, plutôt que de pénaliser l’ensemble des passagers. En adaptant le montant en fonction de la fréquence des vols, la TGVA permet de concentrer la charge fiscale sur les voyageurs fréquents plus aisés, plutôt que sur les personnes qui prennent l’avion occasionnellement. Ce mécanisme permet de garantir que les personnes à faible revenu ne soient pas exclues des voyages aériens en raison des politiques climatiques (5). D’ailleurs une étude (6) montre que la TGVA serait plus efficace qu’une taxe unique sur tous les billets d’avion pour réduire les émissions, et cela également sur le long terme.
2. Une carte carbone individuelle
Cette carte attribuerait à chaque personne un quota d’émissions pour le trafic aérien, correspondant à un budget climatique réparti équitablement entre tous les habitants. Elle permettrait à la fois de limiter les émissions et de sensibiliser la population.
Je déposerai lors de la prochaine session parlementaire :
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une motion pour l’introduction d’une TGVA,
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un postulat pour explorer la faisabilité d’une carte carbone individuelle.
En attendant, il est tout à fait possible de partir en vacances sans avion. Des sites comme fairunterwegs.org ou simpletrain.ch proposent des alternatives de voyage durables et inspirantes.
Le projet d’extension de l’aéroport de Sion : un non-sens
Le 23 juin dernier, le Conseil d’État a relancé son projet de développer l’aéroport de Sion pour accueillir des vols de ligne. Ce projet est absurde d’un point de vue climatique, aberrant pour les riverain·es, et voué à l’échec, vu la proximité des aéroports de Genève, Zurich et Milan.
Notes et références:
1. Intraplan, Monitoring der Wettbewerbsfähigkeit des Schweizer Luftverkehrs
2. OFS (2023). Comportement de la population en matière de mobilité. Résultats du microrecensement
mobilité et transports 2021, Berne.
4. Voir cet article d’Helvetas
3. Si l’on tient compte des émissions liées à nos importations, la moyenne est de 13 t. par personne et
par année.
5. Zheng, X. S., & Rutherford, D. (2022). Aviation climate finance using a global frequent flying levy. The International Council on Clean Transportation.
6. Fouquet, R., & O’Garra, T. (2022). In pursuit of progressive and effective climate policies: Comparing
an air travel carbon tax and a frequent flyer levy. Energy Policy, 171, 113278.
https://doi.org/10.1016/J.ENPOL.2022.113278